INTRODUCTION
Le pinceau et la plume – Introduction
Pendant ces dix années l’évolution des deux hommes est considérable : Cézanne, fils de bourgeois nantis, devient artiste. Zola, enfant d’une famille devenue pauvre se métamorphose en bourgeois. En quelque sorte ils se croisent, et leurs caractères se déterminant vont de plus en plus les opposer, a l’ image de leur transformation physique. Zola , le pressé devient en quelque livres l’ écrivain que l’ on connait. Cézanne, le lent , se cherche avec son pinceau au romantisme débridé et en de multiples directions pendant ces dix ans.

Cézanne Vers 1861-62

Zola Vers 1861-62

Autoportrait vers 1865-66

Cézanne (autoportrait vers 1872)

Zola (vers 1872)
La liberté acquise dans les divagations adolescentes en Provence fit mauvais ménage avec les obligations sociales du jeune Paul et les contraintes des artistes de l’ époque. Cézanne se sent autrement, et , pour l’ exprimer veut faire autrement. Tout passe par son pinceau guidé par son cerveau en hyper- activité, d’ ou ces recherches si différentes les unes des autres, presque hallucinatoires pour certaines, qui , progressivement , lui ouvriront le chemin de sa propre connaissance. Il ne cessera de l’explorer et de l’affiner jusqu’à son dernier tableau, à l’aide de « sa petite sensation ».
Vraisemblablement de nombreuses œuvres par Cézanne des années 1860-1870 ne nous sont pas parvenues. Personne n’appréciait les « atrocités » que l’artiste produisait à cette époque, le peintre lui-même semble avoir détruit à la fin de sa vie nombres d’œuvres.
Il fallut l’exposition de 1988-89 à la Royal Académie de Londres et au musée d’Orsay : « Cézanne, les années de jeunesse » pour que l’on commence à véritablement étudier cette période de l’artiste avec les œuvres si diverses qui nous restent.
Mais l’apparition d’œuvres nouvelles, de lettres jamais publiées, ou l’étude de détails non identifiés de tableaux universellement connus, ne peuvent que permettre d’élargir et de préciser le champ des recherches de son inspiration, en particulier autour des relations de Cézanne et de Zola. Ce dernier a été très présent dans la jeunesse de Cézanne. Le temps et l’évolution de leur carrière les a éloignés, mais pas seulement.
Par contre ,la sensibilité sentimentale de Cézanne ne lui a jamais permis de rompre totalement ce lien, malgré toutes les raisons de leur éloignement. A tel point que, après la mort en Septembre 1902 de Zola, à la cérémonie organisée par la ville d’Aix- en- Provence en 1904, pour remercier la veuve de Zola de son don de manuscrits de l’écrivain, et celui du buste de Zola, cette cérémonie donna lieu à une scène qui étonna l’assistance : Cézanne, invité, se tenait au dernier rang. Numa Coste, ami d’enfance des deux hommes, évoqua dans un long discours leurs années de jeunesse ; à ce récit Cézanne éclata en bruyants sanglots sans parvenir à s’arrêter. La sensibilité du peintre vieillissant n’a jamais pu oublier l’indéfectible amitié qui l’unissait, lui seul, à Zola.
Les deux longues études qui suivent, l’une autour des années de jeunesse, et l’autre à la fin de sa vie, nous éclairent un peu plus sur le caractère de Zola et sur la nature si touchante de l’ Etre Humain Cézanne, souvent naïf, brusque mais jamais méchant, et dont la finesse de sensibilité explique à elle seule la subtilité de sa peinture.