EXPLOSION DE LA COULEUR 10 ANS AVANT L’IMPRESSIONNISME
Les Cézannes de Cézanne – Paysages et natures mortes
> Préambule
> Chapitre 1 : L’irrésistible vocation (de la première jeunesse à 1860)
> Chapitre 2 : Explosion de la couleur 10 ans avant l’impressionnisme (dès 1862)
> Chapitre 3 : L’Artiste se mesure aux sujets des grands peintres (de 1864 à 1870)
> Chapitre 4 : Le premier grand paysage cézannien (1871)
> Chapitre 5 : À partir de 1872 et pour la 3ème exposition impressionniste (1872 à 1877)
> Chapitre 6 : L’Apothéose (de 1890 à 1900)
Manifestement inspiré des toiles hollandaises du XVIIe siècle , sa datation pourrait se situer après son premier voyage à Paris , ou il voit plus de ces œuvres que ce qui est exposé au musée Granet .
Dans ses œuvres les fonds sont importants . Nous avons là le premier du genre qui sera suivi de tant d’ autres …. Ici ni rideau ni papier peint, seulement un riche cuir de Cordoue , comme celui que l’ on voit derrière les portraits de Rembrandt du musée Granet .
La signature du peintre ?
La petite rose dans un vase , à gauche , incongrue dans le sujet , mais pas pour la nature fantaisiste de Cézanne . Sa présence domine la composition étalée de cette nature morte et anticipe celle peinte devant le portrait de Gustave Geoffroy .
Comme pour le précédent la datation est délicate , le peintre s’ y révèle en grands progrès aux yeux du professeur de son école , Joseph Gibert , qui enseignait le « fini » .
La composition à tendance montante vers la gauche le caractérise .
Toute simple , mais faite avec sa réflexion sur la vision de la nature par Démocrite : constituée d’ atomes séparés …. Ici nettement caractérisés par les petits coups de couteau à palette chargé de son vert favori et soigneusement séparés , évoquant à eux seuls La bouteille sans dessin préalable ; le tout sur les formes de prédilection de Cézanne et Démocrite : Le cylindre( de la bouteille) le cône ( de la poire), les sphères ( de la pomme et de l’ orange )
Fond travaillé avec des couleurs mélangées et grattées au couteau à palette .
Les fruits , peints à petites touches juxtaposées , se rapprochent déjà de ceux de « fruits dans une assiette « numéro 776.
1862 ! ces couleurs fortes et franches avant tous les autres peintres qui vont mettre dix ans à s’ y mettre . Quelle invention ! Surement en réaction avec les peintures sombres vues au Salon .
Arrivé avec une épaisse couche de crasse , il porte lui aussi les traces de tir aux fléchettes des petits enfants du peintre .
Nous sommes au bout de la retenue du barrage , avec dans le fond … La Saint Victoire ! La première .
Une partie à gauche correspond à la vue sur place , mais la partie droite a été inventée , car le temps était très mauvais cette année là : Lettre de Zola à Cézanne du 29 Septembre 62 : « Quant à la vue du barrage , je regrette vivement que la pluie t’ empêche d’ y travailler . Dès que le soleil luira, reprends le chemin des grands rochers et tâche de terminer au plus tôt . Si tu dois venir à Paris avec Baille , apporte moi toujours une esquisse , je m’ en contenterais ; pourtant si le tableau pouvait être terminé à cette époque , ça n’ en irait que mieux. Tu as encore un grand mois… »
Probablement découragé , le peintre termina le tableau sous l’ influence de quelque gravure et des arbres de Corot découverts à Paris grâce à Villevieille , rapprochant cette partie là des paysages numéros 1 et 2 (TA), 14 (TA ).
Restauration en cours…
Non signées et non datées , et déjà si modernes ces peintures était roulées ensembles depuis bien longtemps , car elles étaient peu sales .
Sa main est déjà parfaitement reconnaissable , claire et légère , bien avant l’ impressionnisme !
Zola décrit cet endroit très précisément et date le moment , dans une nouvelle parue en 1882 :
« Aux champs « et « Le bois »
« Je me souviens des grandes courses que nous faisions Paul et moi, il y a vingt ans au bois de Verrière ; Moi j’ étais alors employé dans une librairie très pauvre, parfaitement inconnu . » (Cela correspond à 1862 63) « un matin en battant le bois, nous étions tombés sur une mare, loin de tous champs . C’ était une mare pleine de joncs que nous avions appelé « la mare verte »ignorant son vrai nom ; on m’ a dit depuis qu’ on la nomme « la mare à Chalot ». La Mare Verte avait fini par devenir le but de toutes nos promenades. Nous avions pour elle un caprice de poète et de peintre . Nous l’ aimions d’ amour, passant nos journées de dimanche sur l’ herbe fine qui nous entourait. PAUL EN AVAIT COMMENCE UNE ETUDE, L’ EAU EN PREMIER PLAN , avec de grandes herbes flottantes » ( voir aussi les deux autres tableaux ) « et les arbres s’ enfonçant comme des coulisses d’ un théâtre, drapant dans un recul de chapelle les rideaux de leurs branches ; des trous bleus disparaissait dans un remous lorsque le vent soufflait…
…. ON APERCOIT A SES PIEDS TOUTE LA VALLEE DE LA BIEVRE, puis une succession de coteaux qui moutonnent , de plus en plus violacés éteints jusqu’ à l’ horizon.
Une mare verte, à la lisière d’ un bois, ce n’ est presque rien, mais assez pour rendre Paris supportable. »
Dans tous les ateliers , le travail autour de morceaux de viande était obligatoire .
Nous avions un Gigot peint au couteau ( numéro 705) que les experts pensaient être celui présenté en 1863 qui valu à son auteur le quolibet bien souvent répété : « un tableau représentant deux pieds de cochon en croix » Ne fallait-il pas quelque part que le coté « en croix » apparu sur la peinture ?
Cette nature morte est certainement celle-ci , avec en outre son coté « Sud » qui correspond mieux à la critique ironique que l’ œuvre au couteau .
Jointe au rouleau des trois premières , cette peinture est probablement réalisée en 1864 , à son retour dans le sud . elle est proche du numéro 22 et 30 (TA ) ;
L’ une des premières compositions d’ un genre souvent utilisé par Cézanne , comprenant un torchon, ici simplement posé sous le plat ou reposent les citrons : Simple , équilibré , calme ; le peintre progresse même s’ il sacrifie un peu la lumière , « à la parisienne »
A rapprocher de « Citrons et verre » numéro 711 .
A POISSY :
Voyage datable de mars 1865 grâce au courrier que Cézanne envoi a Pissarro le 15 Mars 65 :
« Excusez moi si je ne puis aller vous voir , mais je pars ce soir pour St germain en laye et je ne reviendrais que Samedi… »
Il s’ agit pour l’ instant du seul voyage qu’ on lui connaisse surement à St Germain ( même si Oller y a habité un moment ). Quelques kilomètres plus loin , dans la boucle de la Seine se situe la petite ville de Poissy dont la collégiale est célèbre par ses deux clochers très différents , l’ un étant aussi plus bas que l’ autre . De plus cette collégiale est bien visible en venant de st Germain , il n’ y a entre les deux ville qu’ une plaine .
C’ est donc là qu’ ont été peints les quatre tableaux suivants ou l’ on aperçoit au loin pour trois d’ entre eux ces clochers décalés . De plus , la feuillaison reproduite sur la toile nous indique les mois de peinture : il y est donc retourné plusieurs fois .
- Le premier : « LA ROUTE » , nous montre un arbre presque sans feuilles donc mars
Le second : « PONT ET ARBRES » un pont de pierre et quelques arbres à la feuillaison légère , probablement FIN AVRIL DEBUT MAI ; au fond la collégiale .
Le troisième : LES GRANDS ARBRES même lieu mais un peu plus loin , on ne voit pas la collégiale , mais les arbres sont du même type , plus touffus donc vers FIN MAI.
Au fond , on aperçoit le pont de pierre du tableau précédant .
Le quatrième : retour sur LA ROUTE VERS POISSY ,ici bordée d’ un champs de blés hauts mais encore verts , donc Juin , avec la collégiale dans le fond .
Il était lui aussi roulé avec les précédents , non signé non daté ;
Le détail des hautes herbes à droite rappelle par son rendu celles de la mare verte en hiver .
Le pommier en fleurs indique le mois de mai.
Le dernier de la série , on y voit la toile envahie par un énorme talus de terre rouge avec devant un petit personnage qui donne une idée de la hauteur du talus . Voilà qui n’ est pas sans nous rappeler les motifs à Bibémus … De plus on sait qu’ en 64 Cézanne a été voir l’ exposition des œuvres de Delacroix avant la vente après décès : témoins les dessins dont il a gardé quelques croquis dans un carnet . Parmi ces œuvres sur papier figuraient des aquarelles dont une est un creux enserré entre deux talus abrupt ou tout est rouge , comme à Bibémus …..
Vente après décès 1864
En aout 1866 Cézanne rentre à Aix .
Son ami Guillemet l’ y rejoint mi-Octobre : lettre de Guillemet à Pissarro du23 Octobre 1866 , ou il remarque : « Cézanne refait « blond » et je suis sur que vous serez content des trois ou quatre toiles qu’ il va rapporter. Je ne sais pas quand je reviendrai, quand mes tableaux seront finis , probablement . » Cézanne joint à ma lettre la sienne : »… vous avez parfaitement raison de parler du « gris », car cela seul règne dans la nature , et c’ est d’ un dur effrayant à attraper… »
« gris » dans les expressions de l’ époque et chez Cézanne , cela signifie : sans contraste , tout en restant lumineux , ne générant pas d’ ombres portées .
« blond » : en douceur , sans teintes heurtées .
(qui les accompagnait , placé entre les deux toiles roulées . )
Une vague , pour elle-même : devançant Courbet qui fit ce motif de nombreuses fois quelques années plus tard , lui aussi sous l’ influence de la mode de la mer qui commence . Cette étude fait suite à sa première marine : à La Ciotat ou l’ on voit se jeter les vagues sur le rivage .
La facture de ces trois œuvres ne ressemble pas à celle de Guillemet , mais subit un peu son influence .
Par contre , celle des buissons du tableau avec la vague est bien celle de Cézanne .
Une fois nettoyé , ce dernier permet d’ authentifier le dessin dont le geste qui exprime l’ éclatement de la vague est strictement identique …
Ces deux toiles correspondent à cette double préoccupation de nos deux artistes peignant cote à cote .
Elles sont peintes au bord de l’ étang de Berre , dont on lit bien l’ atmosphère brumeuse d’ automne , au sud de St Chamas ou Paul s’ est rendu avec Emile quand ils allaient y voir les pêcheurs (mémoires de E Zola).
L’ une de ces marines comprend un détail : la vague qui éclate sur le rocher, qui a été étudiée séparément dans un beau dessin précédent.
> Préambule
> Chapitre 1 : L’irrésistible vocation (de la première jeunesse à 1860)
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> Chapitre 3 : L’Artiste se mesure aux sujets des grands peintres (de 1864 à 1870)
> Chapitre 4 : Le premier grand paysage cézannien (1871)
> Chapitre 5 : À partir de 1872 et pour la 3ème exposition impressionniste (1872 à 1877)
> Chapitre 6 : L’Apothéose (de 1890 à 1900)